Voici le texte lu ce 23 janvier lors du Conseil d'administration du collège Jean-Pelletier, à la veille de la 7e journée nationale de grève et de manifestation contre la réforme des retraites imposée par le gouvernement. Serge Patinote, adjoint au maire de Saran, a apporté en séance son soutien à cette déclaration.
Suite à l’heure d’information syndicale du lundi 20 janvier 2020, un collectif d’enseignant.es a souhaité qu’un texte soit lu aux parents au conseil d’administration du jeudi 23 janvier 2020.
"Nous arrivons aujourd’hui au 50ème jour de la mobilisation depuis le 5 décembre, qui avait mobilisé une majorité de collègues contre la réforme des retraites.
Voilà plusieurs années que nous enseignons au collège Jean Pelletier. Voilà plusieurs années que nous accompagnons avec passion nos élèves, leur dynamisme parfois débordant, leur nonchalance d’adolescent.e, leurs dérapages aussi, quotidiennement.
Nous les accompagnons pour tenter de les émanciper. Les émanciper des réseaux sociaux, de la télé, de la publicité en leur proposant d’autres voies.
Ce métier est usant. Mais ce qui nous use, ce ne sont pas nos élèves.
Non. Ce qui nous use vraiment, c’est l’incapacité de notre institution à se renouveler, à nous proposer de véritables solutions face à des problèmes pourtant clairement identifiés.
Ce qui nous use, c’est d’être sans cesse renvoyé.es à notre propre responsabilité. Depuis plusieurs années, les enseignant.es de Jean Pelletier ont dû se battre, faire grève ou revendiquer auprès de l’inspection chaque année, voire plusieurs fois par an. Ils ont dû se battre pour garder une classe, pour réclamer la création d’un poste de surveillant ou le maintien de celui d’un CPE. Et cette année encore. Et à chaque fois, face à nos difficultés, l’institution nous a répondu froidement, chiffres à virgule, statistiques, et tableau Excel à l’appui: « C’est de votre responsabilité ».
Face aux remontées de nos difficultés à enseigner, l’administration répond «pédagogie différenciée» et «individualisation des parcours d’apprentissage».
La gestion d’une hétérogénéité de plus en plus marquée ? C’est de notre responsabilité.
Les violences que nous devons supporter? C’est aussi de notre responsabilité.
Face à la pénibilité, à l’épuisement et au manque de moyens, l’administration répond «heures supplémentaires» et «remplacement de courte durée». C’est encore de notre responsabilité.
Aujourd’hui encore, il a été de notre responsabilité de devoir choisir entre ouvrir une classe pour garder des effectifs raisonnables et mettre en place des dispositifs pédagogiques pour enseigner plus efficacement.
La réponse de l’institution? Elle nous propose: «L’Ecole de la CONFIANCE».
Mais : Poursuivre la paupérisation du métier par le gel du point d’indice, est-ce de la confiance ?
Arroser d’heures supplémentaires grâce au dispositif «Devoirs Faits» et de primes pour les stages d’été pour faire croise à une revalorisation, est-ce de la confiance ? Imposer une 2eheure supplémentaire obligatoire,est-ce de la confiance ?
Et maintenant supprimer notre régime spécial de départ en retraite calculé sur les 6 derniers mois de carrière et entraîner ainsi une baisse sévère des pensions, est-ce de la confiance ?
De notre côté, notre confiance dans la capacité de l’institution à préserver notre statut et à valoriser nos missions premières s’est disloquée. Comment éviter que le corps enseignant devienne les Don Quichotte du XXIe siècle, se battant vaillamment contre les moulins d’une société qui ne veut plus leur ressembler?
Car oui, nous avons conscience que nous ne sommes pas les start-upers dont rêvent nos dirigeants. Non, nous n’avons absolument pas l’ambition de devenir milliardaires.
Et malgré ça, nous sommes témoins dans ce collège d’un foisonnement d’initiatives pédagogiques à destination des élèves. Les professeur.es prennent également du temps pour s’impliquer dans la vie de l’établissement et pour remplir les engagements administratifs bénévoles qu’on leur demande.
Voilà plusieurs années que nous enseignons au collège Jean Pelletier et l’idée de changer de métier nous a déjà plusieurs fois traversé l’esprit.
Étrange, nous qui apparaissons si privilégié.es.
Au vu des conditions d’exercice de notre métier, nous ne pouvons nous résoudre à enseigner jusqu’à plus de 65 ans.
Face à une administration qui n’a plus suffisamment de temps pour nous soutenir dans l’exercice de nos missions,
Face à une institution qui minimise voire ignore les problématiques,
Pour l’avenir de nos élèves et de vos enfants,
Nous poursuivons la mobilisation contre la réforme des retraites."
Le Collectif d’enseignant.es du collège Jean-Pelletier
Dans la manifestation du 24 janvier 2020 dans le centre-ville d'Orléans... (photo : Continuons avec Vous pour Saran).
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